Décharge et Arc électriques

L’activité concernant les décharges et les arcs électriques concerne de nombreux secteurs industriels : phénomènes : production, transport et distribution d’énergie électrique, transports terrestres et aériens (réseau de bord, actionneurs électriques), production manufacturière (actionneurs moyenne tension). Du point de vue scientifique les activités que nous menons concernent non seulement les phénomènes de décharges électriques et d’arcs électriques mais aussi les phénomènes d’émission électronique (sous fort champ, sous température élevée, etc…) et peuvent aussi concerner les applications concernant l’isolation sous vide poussé et ultravide (< 10-4 hPa) en s’intéressant aux conditions de claquage ou à l’émission de courant noir par exemple.

Ainsi, une partie de nos activités concerne l’étude de décharges électriques dans une atmosphère d’argon à pression élevée. En effet, l’instrumentation neutronique des futurs réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération s’appuiera sur des chambres à fission placées en cuve. Ces chambres à fission à haute température (CFHT) devront fonctionner à pleine puissance à une température comprise entre 400°C et 600°C. Au sein de ces CFHT, sous tension nominale (400 V), des décharges partielles engendrent des impulsions non discernables de celles produites par les fragments de fission du dépôt fissile. Par ailleurs, elles pourraient accélérer le vieillissement des isolants minéraux. Des études antérieures du GeePs portant sur l’étude de décharges électriques en surface d’isolants dans une atmosphère d’argon à pression atmosphérique ont montré le comportement singulier de ces décharges, non prévu par la loi de Paschen. Ces travaux se sont poursuivis dans le cadre d’une thèse en collaboration avec le CEA (thèse de G. Galli « Étude des décharges partielles dans une chambre à fission haute température » 2018). 

Concernant la production d’énergie, le projet HVIV (High Voltage Insulation in Vacuum - projet ANR 2013-2016 IRFM, LCAR, LPGP, GeePs) s’est inscrit dans le cadre de la recherche sur la production d’énergie par fusion thermonucléaire contrôlée par confinement magnétique. Les systèmes d’injection de neutres permettent de chauffer le plasma afin d’initier les réactions nucléaires. Ce sont des accélérateurs électrostatiques de puissance avec des composants à haute tension (1MV pour ITER). La tenue de la haute tension en continu entre électrodes de grandes surfaces constitue un des défis technologiques à résoudre pour l’obtention de systèmes fiables, ce qui nécessite des travaux de recherche fondamentale en amont en vue de comprendre et maîtriser les phénomènes élémentaires à l’origine d’émission d’électrons par effet de champ (dit courant noir) (thèse de K. Almaksour « Etude de l’émission cathodique sous vide en présence d’un champ électrique intense et des paramètres physiques gouvernant son intensité » 2014) ou la génération d’arcs entre électrodes. 

Concernant la traction électrique terrestre, une source majeure de défauts d'une machine électrique réside dans les phénomènes de décharges partielles qui peuvent potentiellement apparaître dans ses bobinages. Ainsi, nous avons récemment étudié expérimentalement et modélisé l’apparition de défauts qui dépend notamment de l’architecture de bobinage et du mode d'alimentation électrique (fonctionnement sous tension et fréquence de découpage élevées (MLI) par exemple) (thèse de Loucif Benmamas « Méthodes d’évaluation du risque de décharges partielles dans le bobinage de machines électriques destinées à la traction automobile » 2017).

Concernant le secteur aéronautique, un des objectifs affichés est l’avion « plus électrique » dans lequel un grand nombre d’actionneurs actuellement hydrauliques seront remplacés par des actionneurs électriques. Cette augmentation des charges (actionneurs et électronique de puissance associée) nécessite une augmentation de la puissance embarquée, se traduisant par une évolution des tensions d’alimentation : ainsi est-il envisagé d’avoir à bord des tensions de l’ordre de +/- 270 V DC (soit 540 V DC entre phases) et 230 V AC (fréquence variable entre 360 et 1000 Hz). Ceci représente un changement technologique drastique par rapport aux systèmes actuels (28 V DC et 115 V AC 400 Hz). Si les niveaux de tension sont bien inférieurs à ceux de la HTA, la chute de pression résultant de l’altitude conduit à l’apparition de phénomènes physiques jusqu’alors quasiment absents. Il s’agit des décharges partielles, qui constitueront des phénomènes supplémentaires de risque d’apparition d’arc. Notre expertise se porte sur l’étude et la caractérisation des phénomènes se produisant, en fonction de différents paramètres tels que la forme d’onde de tension, la pression, la température et de l’humidité de l’environnement, soit dans le cas de câbles (thèse de M. Karadjian « Endurance et tenue diélectrique de l’isolation de câbles électriques pour l’aéronautique » 2018) soit dans le cas d’un composant tel qu’un connecteur aéronautique (thèse de R. Boukadoum « Étude des décharges partielles et de leur transition à l’arc dans la connectique aéronautique du futur » 2018). Par ailleurs, l’augmentation des tensions et puissances électriques embarquées va non seulement faciliter l’apparition de défauts d’arc électrique (particulièrement destructeurs, de la perte de fonctionnalité, jusqu’au départ d’incendie) mais aussi leur durée de vie (un arc électrique est beaucoup plus facile à entretenir sous 540 VDC que sous 28 VDC et son extension spatiale est elle aussi bien plus importante sous de telle tension) et aussi faciliter leur propagation. Nous travaillons sur ce sujet depuis 2014. A titre d’exemple nous proposons les photographies suivantes permettant d’illustrer l’extension spatiale que peut avoir un arc (cas d’une déconnexion) sous 540 VDC.

Extension spatiale d’un arc électrique sous 540 VDC entre deux électrodes de cuivre dans l’air dans la gamme [100-1000] hPa. La distance inter-électrodes est de 30 cm environ. Influence de la tension d’alimentation et de la pression.

De plus, nous menons aussi des travaux concernant les signes précurseurs de l’apparition d’un défaut d’arc dans le cadre des normes aéronautiques concernant l’apparition d’arc sous l’effet de l’humidité. Ces travaux sont menés en vue de proposer des systèmes de détection préventive de l’apparition des défauts d’arc au sein d’un faisceau de câbles. Plusieurs phases précurseurs apparaissent donc. Un exemple d’une de ces phases est donné sur les photographies suivantes (thèse M. Boukhlifa « Contribution à l’étude des arcs électriques sur réseau HVDC en conditions aéronautiques » 2021).

Apparition de signes précurseurs du défaut d’arcs : apparition d’un anneau lumineux au sein d’un faisceau de câbles aéronautiques lors d’un essai normatif.

Enfin, concernant à la fois les problèmes d’isolation HT sous vide, ainsi que la description des interactions arc-électrodes et notamment celle du pied d’arc cathodique, nous menons depuis 2014 (thèse de Benjamin Seznec : « Modélisation des phénomènes physiques intervenant au cours de l’émission électronique sous haute tension sous vide » 2017) en collaboration avec le Laboratoire des Gaz et des Plasmas (LPGP), des travaux de modélisation portant sur deux axes. Le premier concerne l’émission électronique par effet de champ (et de température et de photoémission pulsée hors équilibre) d’une micro rugosité (ou micro protrusion) ou d’un ensemble organisé ou non de micro (nano) émetteurs. Ces travaux trouvent donc leur champ d’application dans plusieurs domaines allant de la modélisation du pied cathodique d’un arc électrique, de l’émission de courant noir (« dark current ») dans les systèmes d’isolation HT sous vide et les phénomènes de claquage (ou pré claquage) ou dans la description des dispositifs d’émission électronique (réseau de CNT par exemple). Le second axe de modélisation concerne la description de l’interaction entre une particule chargée ou non et un faisceau d’électron au sein d’un champ électrique intense. Cela concerne plus particulièrement les phénomènes de claquage liés à la présence d’impuretés dans les systèmes sous fort champ sous vide.

Modèle phénoménologique de l’interaction entre une microparticule (MP) et les électrons émis par une micro-protrusion (Tip).
Distribution : a) du champ électrique au-dessus de la pointe émettrice, b) de la densité de courant émise en surface de la pointe et c) de la température près du sommet de la pointe. Conditions : champ moyen loin de la pointe 109 V/m.

Dans le domaine des arcs électriques nous travaillons d’une façon générale sur le déplacement de l’arc soit sous l’action de son propre champ magnétique ou d’un champ magnétique externe soit lors du déplacement respectif d’une électrode par rapport à une autre. Une des applications est l’étude du foudroiement des avions (collaboration avec l’ONERA) et du déplacement de l’arc de foudre sur la coque de l’avion.

Les principaux aspects de notre expertise sont les suivants :
  • Moyens de diagnostic optiques : spectroscopie d’émission et imagerie rapide.
  • Mesures électriques fines allant du pA au kA.
  • Acquisition de signaux impulsionnels rapides.
  • Analyse de décharges partielles.
  • Mesures thermiques infrarouge rapide de surfaces.
  • Caractérisation de surfaces : profilomètre optique 3D, mesure d’angles de contact.
  • Mesures chimiques : spectroscopie d’absorption UV-visible et FTIR.
  • Modélisations physiques et simulation numériques.
Les moyens expérimentaux spécifiques à ce domaine sont :
  • Enceinte climatique permettant de reproduire les conditions aéronautiques de pression, température et humidité.
  • Enceinte à vide poussé couplées à des mesures électriques rapides.
  • Enceinte permettant la caractérisation des arcs électriques en pression aéronautique.
  • Mesure caméra IR faible temps de pose.
  • Banc d’arc tracking.

Quelques images d’illustration : 
Arc électrique soumis à un écoulement d’air de 25 m/s entre une électrode en tungstène – en haut et une plaque d’aluminium – en bas. La distance inter-électrode est de 7,5 mm et l’arc est traversé par un courant de 200 A. Thèse V. Andraud

Modélisation 3D d’une décharge de type streamer avec prise en compte du branching. Collaboration avec le laboratoire Laplace Projet REMOVAL, calculs sur un super calculateur (CALMIPS)

 

Modélisation 3D de la foudre en fonction de différentes configurations de nuage (3 couches, 2 couches complètes et une réduite, 1 complète et 2 réduites). Différenciation des modes de propagation : intra-nuages et nuage vers sol.

PRPD (phase resolved pattern diagram) des décharges partielles dans une chambre à fission. Image de Galli et al. 2018